MARIE-GALANTE LA GRACIEUSE …MENT SINISTREE - AOÛT 1990

        
J'ai écrit cet article en Août 1990 à la demande de Monsieur Harry Selbonne qui était responsable du Bulletin de la Ville de Grand-Bourg à cette époque. Il y a 23 ans et 90% des points relevés dans cette réflexion, alors que je n'avais que 31 ans, sont toujours et encore des furoncles purulents de la honte posés sur le front de ce Pays Marie-Galante. Il faudra bien un jour parler du bilan ! 


Article paru dans le Bulletin N° 4 de
GRAND-BOURG  - Août 1990 -

MARIE-GALANTE
LA GRACIEUSE …MENT SINISTREE !
 
 
Effectuant une visite rapide ou prolongée sur « l’île aux Cent Moulins », tout un chacun animé d’un minimum d’objectivité pense de suite que Marie-Galante peut se développer dans le sens le plus large du terme car elle détient contrairement aux autres îles voisines : le potentiel du quasiment vierge.

Pourtant le bilan est et reste depuis belle lurette l’immortalisation du gouffre, le statut quo et l’immuabilité. Il faudrait  face à l’irréversible échéance de 1993  un grand dessein, un grand projet et surtout une volonté de travail dans un esprit  consensuel pour que l’adaptation à la réalité d’aujourd’hui et de demain soit propice à la sauvegarde d’une directive Marie-Galantaise.
 
En 1985, nous avons assisté à l’arrivée de vedettes rapides, ce qui  logiquement devait désenclaver l’île et ouvrir un créneau porteur pour la relance générale de l’économie de ce « Pays Marie-Galante ». En résultat, la richesse intérieure fut négative et la croissance alla aux Compagnies Maritimes.
Ce créneau maritime a été favorisé par le déclin croissant de la Compagnie Air Guadeloupe sur la ligne Marie-Galante / Pointe à Pitre.

Echec dû à :  
 
-         un tarif inadéquat
-         une organisation au sol irrationnelle
-         une bousculade intempestive à l’enregistrement
-         une vente anarchique des billets déjà réservés
-         favoritisme et copinage lors des réservations surtout en période des vacances
-         au non respect des horaires et surtout par le sourire figé et angoissé des hôtesses
-    de plus, un Aéroport de Marie-Galante ressemblant davantage à un chalet de nécessité, vu les odeurs qui vous assaillent à la porte d’entrée...
 
De 1986 à aujourd’hui (1990), nous assistons au déploiement d’une véritable « force navale » sur la ligne. De 2 vedettes en 1986, nous sommes progressivement passés à 9, à signaler que deux autres seraient  attendues l’année prochaine. (Soit dit en passant, aucune n’appartient à des capitaux Marie-Galantais).
Chaque matin dès six heures, le tout Grand-Bourg est réveillé par le tintamarre anarchique des deux vedettes concurrentes. A croire que l’on joue à celle qui klaxonnera le plus, et surtout le plus fort. Etat de fait que l’on ne retrouve pas en Guadeloupe, ni à six heures, ni à douze heures et ni à dix sept heures.
 
Malheureusement il y a pire.

Chaque vedette à six heures quitte Grand-Bourg avec une moyenne de cent passagers  Marie-Galantais. Chaque passager se déplace avec un minimum de six cents francs, aux deux vedettes cela fait deux cents passagers pour une « masse monétaire » de cent vingt mille francs, sur vingt huit jours, trois millions trois cent soixante mille francs  se sont envolés au profit des établissements Pointois.
Annuellement, le chiffre est très lourd : quarante millions trois cent vingt milles francs. Sans commentaire !
A noter que dans notre analyse, il n’est  compris ni le voyage de neuf heures ni celui  de quinze heures, nous vous laissons le soin de faire la multiplication.
 
Une île aujourd’hui, commercialement « marasmatique » où l’on ne voit pas passer dans les rues de Grand-Bourg l’ombre d’un touriste.
Démographiquement à l’état de diaspora, où nos valeurs sont dispersées partout ailleurs sauf à Marie-Galante. Culturellement aussi vide qu’associativement, où la jeunesse n’a pas le moindre sursaut de motivation, où l’on est déjà trop vieux à vingt ans !
Du point de vue de l’agriculture, unique et seule ressource de misère :  « la canne, la canne et encore la canne … »  dont on ne sait que trop la santé !
L’élevage individualisé est devenu dans l’histoire une économie de dépannage, sans structure et sans ambition aucune. L’aspect de l’économie générale est inévitablement le système D.

Avec ce tableau déjà bien triste l’on s’évertue à torturer un malade déjà agonisant. Les départs massifs en Guadeloupe pour le « shopping » causent chaque jour la mort de la jeunesse Marie-Galantaise qui ne sait où trouver le moindre job à effectuer. Cet état de fait est un suicide économique collectif programmé qui pèsera très lourd dans un avenir proche.

Nous pensons qu’une vive interrogation s’impose dès maintenant.

Qui a dit qu’autrefois les Marie-Galantais n’allaient pas en Guadeloupe pour faire des achats ? L’on nous dira  qu’ils ont toujours fait la traversée certes, mais aujourd’hui, il en est devenu une véritable promotion sociale  
Quand un « Pays » est vidé économiquement, démographiquement, culturellement et sportivement… on ne voit pas, même gratuitement ce qui retiendrait des gens qui, au fond, ne demandent que le « droit à l’existence ».
 
Sur 10 000 habitants restant sur l’île, chaque Marie-Galantais paye comptant – avec ce phénomène de fuite des capitaux : « quatre mille deux cents francs »), en moyenne annuelle à la Guadeloupe continentale. Nous faisons bien comprendre que les Marie-Galantais ne vont pas à Pointe-à-Pitre uniquement pour faire leurs courses, mais qu’ils profitent pour le faire dans l’élan du déplacement ; il va de soi qu’ils recherchent tout naturellement et psychologiquement autre chose qu’un paysage qui se meure.
 
Marie-Galante, « An tan Soren », la mamelle de la Guadeloupe avec plus de six usines, avec plus de six distilleries, avec plus de vingt six milles habitants, elle ne compte aujourd’hui  plus qu’une population de dix milles habitants (composée à 65 % par les plus de 65 ans), quatre distilleries et une usine moribonde et budgétivore.
 
         Quel bilan  catastrophique !

         En 1993, avec l’Acte Unique Européen, on se posera la question de savoir s’il existe une copie encore conforme du Marie-Galantais ou voire même, de Marie-Galante ?
 
Nous offrons un spectacle gratuit, très animé, joué par des acteurs suicidaires et « damocléssiens ». Lieu du film, le rendez-vous au Port de Grand-Bourg à 17 heures  pour assister à la seule et unique animation de la ville : le débarquement des avalanches de paquets – de boites – de filets – de tondeuses – de débroussailleuse – de réfrigérateurs – de télévisions – de chaises – d’armoires – de cantines – de glacières – de sacs de riz Craf – de barquettes de Sunkist –  de pains - … que dis-je ? de … sandwichs… etc., etc.
Nous devinons aisément vos éclats de rire à ces mots et nous vous disons tout simplement : il faut  le voir pour le croire !
Afin de justifier les nombreux départs sur Pointe-à-Pitre, le disque  a fini  par se rayer, mais la chanson est restée sur le bout des lèvres : « les commerçants de l’île vendent trop cher ».
 
L’ASSECOMAG :

« Association des Entreprises et des Commerces de Marie-Galante » parue dans le JO n°  27 du 2 juillet  1986 a pour objet de défendre les intérêts, de promouvoir le développement, de coordonner les Entreprises avec les partenaires et de prendre une part active dans la mise en place des structures nouvelles, lieu de  réflexion et d’action, de formation et d’information, sans oublier le schéma développement touristique.

Cette Association a eu pour premier objectif de vérifier la différence de prix pratiqué sur l’île et à Pointe-à-Pitre. Nous avons en effet, remarqué qu’il y avait une assez grande différence de prix, mais dans certains secteurs bien précis comme l’ameublement – les matériaux de construction – la réfrigération ou la congélation – les téléviseurs – la hi-fi … etc.

Il est à noter que tous ces articles ont des points communs, d’être premièrement volumineux et deuxièmement impliquent systématiquement un service après vente compétent en la matière.

Après analyse, une question paraît incontournable. Comment faire pour maintenir les Marie-Galantais chez eux ?
 
La balle est donc lancée dans le camp des socioprofessionnels qui, dès lors devront plus que jamais tout mettre en œuvre pour que chaque secteur soit désormais et définitivement « structuré ».
Mais, elle est aussi dans le camp de nos Municipalités qui devront mettre l’accent de manière visible et déterminé sur le développement de cette île, en pratiquant une gestion rigoureuse, saine et transparente avec la collaboration étroite des socioprofessionnels.

Nous sollicitons l’extrême attention de nos Instances Locales ainsi que tous les Organismes de promotions économiques pour qu’un changement radical et rationnel soit entrepris dans les plus brefs délais, dans la dite île.

Cette « grande dépendance » sans jeux de mots, est depuis trop longtemps laissée pour compte dans les grands projets guadeloupéens, il serait peut-être temps que l’on se rende enfin compte que cette île subissait depuis des décennies déjà, son Hugo.
 
Nous avons noté quelques aberrations qui restent un frein véritable pour une image plus noble de la « grande galette ». Nous espérons ainsi pouvoir sensibiliser davantage tout un chacun du retard chronique de plus d’un demi siècle qui nous sépare du Continent.

Quand on s’aperçoit que des banques ferment, que d’autres ne renouvellent pas des contrats de Chef d’agence et que le moindre dossier commercial ou individuel doit être impérativement redirigé vers le Siège en Guadeloupe, d’où une lourdeur et une méconnaissance des dossiers en cours.

Quand on constate qu’il n’existe pas l’ombre d’un  Expert Comptable, ni d’un Centre de Gestion, ni même d’un simple Conseiller économique, alors que les Sociétés sur place sont déjà en grand danger.

Quand on observe que l’Antenne du Conseil Régional est strictement fermée depuis plus d’un an et que l’Antenne du Conseil Général n’est pas connue de plus de 90 % de la population.

Quand on sait qu’il existe un service abattoir qui a fonctionné longtemps, trop longtemps sans vétérinaire.

Quand nous remarquons que le rhum de Marie-Galante 59° est vendu dans les grandes surfaces de la Guadeloupe à 28.00 francs, alors que les contributions nous l’imposent à 33.85 francs.

Quand on sait que l’on reçoit par mois moins de 200 bouteilles de gaz pour 10 000 habitants, et que des mères de famille sont parfois obligées de cautionner jusqu’à trois bouteilles pour éviter la rupture ? Alors qu’il serait bien plus simple de procéder à la mise en bouteille sur place, ce qui générerait inévitablement des emplois.

Quand on se rend compte qu’il est souvent impossible de trouver      un kilo de poissons sur l’île car nos pêcheurs sont devenus trop vieux et que la relève n’a pas suivie.   Qu’en est-il justement de cette fameuse  « Ecole de  Pêche » ?Les originaires des Saintes aujourd’hui revendent à Marie-   Galante du poisson Marie-Galantais aux propres Marie-Galantais. C’est le comble !

Quand on sait qu’une Agence de voyage a créé la « Destination Marie-Galante » avec le passage d’un bateau de croisière « le Regent Sun »  qui doit emmener plus de 700 touristes Américains avec à son bord 400 hommes d’équipage, ceci avec un contrat ferme de 28 jeudis d’affilés (réalisation historique) et en contrepartie, le laxisme de certains face tout simplement à des retombées alors évidentes, persiste.

Quand  on s’aperçoit qu’aucun corps de métier n’est organisé, tout le monde est mécanicien, transporteur, agriculteur, éleveur, marin pêcheur, etc. ...  un monde de misère où le marché au noir fait la loi… et la foi.

Quand on considère toutes ces insuffisances, comment ne pas conclure que l’île est sinistrée ! 

A dire vrai, des remarques  qui n’en finissent pas, mais qui pour au moins une fois auront le mérite d’être lues par tous. Toutefois, il nous semble indispensable, dans l’immédiat, pour que Marie-Galante renaisse de ses cendres, de faire quelques suggestions :

Qu’il soit mis sur place une Antenne de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Pointe-à -Pitre ;

Que l’internationalisation de l’aéroport de Grand-Bourg soit effective ;

Qu’il soit mis en place d’urgence une Antenne de l’Office du Tourisme de la Guadeloupe. Elle doit servir de tremplin et de trait d’union dans les grands dossiers Marie-Galantais pour la promotion touristique de l’île.

Que la « Maison de Marie-Galante » en Guadeloupe soit le miroir et le reflet des volontés et des atouts du Pays.

Qu’il soit mis en place très rapidement un Commissariat de Police compétent avec des Inspecteurs qualifiés (il faut le dire, on le sait, des gens disparaissent à Marie-Galante de manière étrange, sans que jamais les enquêtes aboutissent) ;

Qu’il soit étudié au plus vite pour Marie-Galante : un « Système » de Port Franc, de Zone Franche ou de Duty free généralisé des Villes, afin de développer le secteur commercial, semi-industriel et artisanal.

Un statut de Port Franc qui serait un véritable « choix économique », dûment adapté, limité dans le temps  (10 ans) avec des verrous de nature à éviter la fuite des capitaux avant et après le nouveau changement.

Il faudrait après Hugo que le Port de Folle-Anse revête une double vocation :

 
            A savoir sucrière mais aussi touristique. Dans sa réparation à     venir il faudrait, avec le Port Autonome de Guadeloupe, acquérir  cette double compétence qui sera plus chère certes, mais plus adéquate.

          Ainsi les bateaux de croisières   n’auraient pas à mouiller au large   et cela limiterait énormément le temps de débarquement, au lieu que les gens du troisième âge soient trimbalés en chaloupe jusqu’à l’appontement.
Par ailleurs, en accostant, les Croisiéristes devront s’acquitter du droit de Port, ce qui engendrera des devises récurrentes pour l’île.

       Cette réalisation ouvrira l’île de manière rationnelle vers un secteur aujourd’hui incontournable qui est le  Tourisme de Croisière.  

          Nous comptons sur la vigilance de nos élus, ainsi que sur leur sens de l’anticipation. Il faut que cette île, vu son état général de délabrement, se dote enfin d’un grand projet  afin de casser la morosité économique ambiante.
 
                  Nous avons dans cet article essayé de dresser un tableau objectif de la situation globale de Marie-Galante. Beaucoup de secteurs sont évités ou oubliés, mais nous restons ouvert à toutes suggestions intéressantes.  

           Notre but est d’œuvrer pour l’intérêt économique des Marie-Galantais. Notre bilan n’est que succinct, mais ensemble avec tous les responsables et les hommes de bonne volonté nous finirons par être plus efficace face à l’avenir.

        Nous ne détenons pas la vérité, nous la chercherons ensemble. Nous attendons avec impatience votre analyse et votre projet concernant tel ou tel point. Nous tâcherons d’expliquer dans un nouvel article notre projet de «Port Franc Limité  dans le temps », afin que toutes  les réponses aux questions posées ne soient pas que négatives et restrictives.  
 
           Nous vous remercions d’avance de l’extrême attention et de l’intérêt que vous portez au développement général de cette Grande Île. Merci.



 Grand-Bourg. Août 1990
Président de l’ASSECOMAG
        Bernard Leclaire

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