HOMMAGE A SAINT-JEAN ALONZO


HOMMAGE A SAINT-JEAN ALONZO
27 MAI ABOLITION DE L'ESCLAVAGE 



Hommage à Alonzo

Du Sinaï̈ de ma douleur
De mille et un pas Inlassablement
J'arpente la voûte céleste
Soucieux des incertitudes maléfiques
Qui planent sur mon île
Et cette colère
Me fait tressaillir le cuir chevelu
Comme un mauvais présage qui s’annonce
Moi 
Alonzo
Fils rebelle
Du pays des alizés chantonnants
Couleur vesou à l’odeur miel
Le pays des Cent Moulins récalcitrants
Et des Mille
Mares endormies
En l’espoir-miroir
D'un réveil des consciences abouliques
Voilà que de mes paupières
Coulent les larmes du sang vert de la honte
Jadis Peuple fier
Au regard franc
Jamais l’histoire ne cria victoire
Face aux braves du Temple
Car nos colonnes furent réelles
De Roussel à Saint-Louis
De Saint-Louis à Caye-Plate
De Caye-Plate à Piton
De Piton à Capesterre
Et
De Capesterre à Grand-Bourg
Des ouragans
Des séismes
Des épidémies
Des guerres
Et quoi encore...
Cette vie ne peut triompher
De la sueur amère de ton histoire
De ta volonté
Fille aimée pour ton discernement légendaire
Tu es Pays
Pays bien qu’étant île
Tu es peuple
Peuple bien qu’étant colonisé
Pays debout
À la sève rare
Prophétique et prédestinée
Vaille que vaille
À exister ...
Par de-là̀
La dérive tragique du Temps
Et l’ingratitude nauséabonde
Des âmes surannées
Les Murat ne sont plus 
Mais tu es là
Ce château témoigne leur perte
Mais tu es là
Progéniture pourrie
À jamais dessous terre
Aucune n’oserait ici-bas revenir
Humer le nectar de ton oxygène
Acide et rancunier
Des incendies du diable
Naîtront des Églises
Des balais-coupés
Naîtront des Chapelles
Ensemble faisons le pèlerinage
De l’impossible et de l’inimaginable
Nos genoux alors s’useront jusqu’au sang
Mais jamais vous n’aurez l’âme
Ni de ma terre
Ni de mon être
Cette terre qui
De mes yeux vus
A vu accoucher genoux à terre
Cuisses ouvertes
La femme matricielle
De toutes nos espérances exorcisées
Enlève donc tes mains de cet arbre
Mon Éden aux fruits d’orpage22image52729088
Ôte-toi de son ombrage rafraîchi
Et annonciateur
Le Fromager a parlé de mille pétales
Étalés au sol en écrit psalmique
Comme un linceul prémonitoire
Et
Le suaire en sueur
Témoignera au-delà des âges
Encore et encore
L’appel christique de la survie
De notre âme
À pas de course
Libère-moi de la puanteur laissée
Sur le chemin de la mémoire
Ne serait-il pas déjà temps
Que l’homme soit Homme
Que le soleil redevienne enfin un frère
Et que la lune
Se réaffirme définitivement une fille aînée
Les astres chuchoteront
Le temps de demain
Les infinis
S’amenuiseront face à notre acuité déifiée
Et
Le malfini majestueux redira le temps
Dans les draps bleutés du firmament
Oui grand temps
Que tout ce monde d’en-haut
Vienne suave
Et docile à nos pieds indomptables
D’en bas
Pour la signature céleste
De l'apaisement terrestre
Ô fierté
Ô résistance face à l’abject
Ô fraternité suprême retrouvée
Dans l’universalité
Des cœurs rêvés
Fossoyeurs de vous-mêmes
Fils indignes de la damnation
Oui vous
Je vous adresse alors ma prière ultime
Prière aux éclats de verre
Aux projectiles cloutés
Aux cris révoltés
Prière du verbe incarné
En flèches de Massaï
Moi 
L’Atlantide dés-engloutie
Moi
L’Afrique du Baobab victorieux
Moi 
L’Africain expatrié
Moi berceau du Monde
Mais fier
Nonobstant l’amnésie volontaire
Du Monde crépusculaire
Bateau ivre à la quille rompue
Sisyphe à l’allure pitoyable
Apollon hideux de pustules abominables
Diogène à la lanterne cassée
Qu’as-tu fait 
Pour apaiser mes soifs
Qu’as-tu fait
Pour les sacrifiés de Pirogue
Qu’as-tu fait
Du punch vengeur de la Mare
De tous les couronnements
De Pirogue
Un lumignon enfin pour mon âme
Moi 
Alonzo
Moi fils assassiné
Dans le tumulte de l’histoire...
Des histoires hideuses

RIEN !
Strictement rien !
Je suis éploré
J’ai honte d’être moi
Et d’être toi
Verrai-je enfin mes frères redevenir
Les chandeliers d’or de ce monde obscurci
Car il était une fois
Une île
Un peuple
Pour une grande destinée
Pour un autre Homme
Pour un nouvel Humanisme
Où est donc passé ton rêve d’antan
Or le cauchemar guette
Qu’en est-il
De la liturgie magique du léwoz
Or la surdité t’envahit
Je n’entends pas Je n’entends plus
La quête lancinante du ka rebelle
Je n’entends pas Je n’entends plus
Le son-glaçon de ton piano indocile
Ton jazz a perdu
L’exhortation de l’Afrique
Sur la cime ténébreuse
De tes incertitudes maléfiques
Et matérialistes ...
Qui es-tu
Quoi es-tu
Combien es-tu
Où es-tu
Dans la somnolence morbide
Des peuples sans rivages
Pas à pas sur le sable Sans visages
Tu vagabonderas
Zombies de midi
Condamnés à errer
Derrière toutes les églises du monde
Pourtant
Jamais Terre ne fut
Plus bénite que mienne
Qui est tienne
Jamais Eau ne fut plus fraîche
Que la Mare-d’Aimer
Le fils aîné dans le malheur
A expié tous les châtiments
Et
Le monde le sait
Pour avoir creusé à même les ongles
La route du bonheur des demains
Allez
Et dites-leur
De vous payer ce qu’ils vous doivent
Ce qu’ils « nous » doivent 
Oui
La dette au père est la rançon du fils
Mais pour ce faire...
La réconciliation de vous-mêmes s’impose
Redevenir un Peuple
Dans et pour une même Histoire
Dans et pour un même aujourd’hui
Dans et pour un même avenir
Alors pas un brin de terre sur cette sphère
N’évitera
Le goût amer de mon sang de blues
Et
Enfin mon flair
Sera la sueur acide de mon salaire
Nous étions cent
Nous étions mille
Nous étions dix mille
Un million même
Mais
Nous étions « Un »
De la souffrance tu saisiras l’Unité
L’Unicité de nos cœurs
Pas un grain de sable
Pas une poussière
De ce globe qui ne craindra
Dorénavant ta rude et acerbe colère... 
C’est alors que l’île prit la parole :
— Vous êtes venus
Fils du blâme et
De l’indigne sacrifice
Usant des plus chers à mon ventre
Ma postérité révulsée de vomissures
Aux yeux des plus convaincus
Des plus de moi-même
Vous régentez dès lors un corps
Lentement assassiné
Qui pourtant
Sachez-le
Ne fait que dormir !
Dormir
De l’absence de ceux qu’il aime
DORMIR
Oui moi
Île de Marie-Galante
Moi Marie-Galante
Femme rebelle
Femme debout
Femme fiel
Femme mamelle
Femme Touloulou
Femme Folle-Anse
Femme Caye-Plate
Moi Marie-Galante
Femme Pitonpage28image52923968
Femme Moringlane
Femme Buckingham
Femme Djèl-Gwan-Gouf
Femme Pirogue
Femme Déruisseau
Femme Twou-a-Dyab
Je suis Marie-Galante
Et
Vous êtes debout au banc des accusés
Je vous accuse en effet
Race de vipères
D’avoir volontairement
Orchestré mon néant
Moi Marie-Galante
Je vous accuse
Au tribunal de la postérité
D’avoir enfanté le vide
Moi Marie-Galante
Je vous accuse
La paume des mains collées au Baobab
D’avoir distillé la répulsion
Moi Marie-Galante
Je vous accuse
Les yeux rivés au Ciel
D’avoir insufflé la division
Moi Marie-Galante
Je vous accuse
Avec le peuple de Lumière
D’avoir instillé le déshonneur
Il trône dès lors
Dans Grand-Bourg
Une sale et putride
Odeur de cadavre en décomposition avancée
Et
Voilà que les cimetières
Recrachent déjà les ossements des indignés
Et
Les sorciers de tous bords
N’hésitent plus
À profaner le repos de nos morts
N’hésitant même pas à voler Les os de mon corps
Mais je dis malheur 
Malheur
Malheur à tous ces vampires
Des temps modernes
Agonisants inconscients aux yeux ouverts
Le monde sait à peine qui ils sont Mais eux
Ils savent miroir assombri
Leur âme en putréfaction
Malheur à eux
Et
À leur sang
Jusqu’à la septième génération
Les quatre-chemins hurlent
Assoiffés de l’urine fétide des vieilles
Pissant debout
Bouche ouverte
Jambes écartées
Retenant sous leurs rotoplots
Les haillons de la pestilence et du paradoxe
Je suis le Pays
Le Pays de Marie-Galante
Oui je suis Marie-Galante
Les tympans du monde gronderont
Sous le magma de mon Nom
La Gracieuse avez-vous dit Méprise !
Je suis
Je suis unique au Monde
Nul lieu ne jouit de l’égal de ma candeur
De ma sensualité
Et
De mon acuité à commander demain
Mais ma grâce n’est point faiblesse
Je suis avant-goût de toutes les terres promises
Le fils que j’attends
Fera de moi une source de paix
D’amour
De résurrection
De fierté
Et de fraternité
Je suis le dernier étang du monde
Où l’homme étanchera sa soif
Je suis le dernier des arbres
Après la nouvelle apocalypse
Et
Quand le monde
Définitivement aura raison perdue
Je serai encore par mes fils retrouvés
Le dernier rempart d’une civilisation

L’homme cultivera Toujours et à jamais
L’espérance d’être
Un jour à l’égal de la sagesse des dieux
Oui
Moi
Marie-Galante
Des Ave Maria
Et des Pater Noster
Femme rebelle
Femme debout
Femme fiel
Femme mamelle
Femme Touloulou
Femme Folle-Anse
Femme Caye-Plate
Moi Marie-Galante
Femme Piton
Femme Moringlane
Femme Buckingham
Femme Djèl-Gwan-Gouf
Femme Pirogue
Femme Déruisseau
Femme Twou-a-Dyab
L’île de Marie-Galante
Une île Monde
À dire mon Nom
Les légions succombent
Et
Toutes les mystiques
Deviennent alors
Une eau claire et suave
Je vous affirme
Au banc de la nation céleste
Avec la pertinence du Sachem
Vous crachant au visage
Qu’il viendra un jour
Le temps inévitable
De toutes les réparations ici-bas !
Voyez-vous L’Histoire certes oublie
Elle a toujours été
Une vieille femme récalcitrante
Aux oreilles rétrécies
Et à la mémoire trouée
Mais les cicatrices du Monde
Finissent toujours
Par révéler enfin
La profondeur ésotérique
Et la provenance de leurs blessures
Gare à toi alors
Le jour où je viendrai
Te réclamer les comptes
De ton abomination !

SORTIR DU MACADAM
Bernard Leclaire
ED IDEM ISBN : 978-2-36430-008-8
Marie-Galante


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